Le Petit Nicolas : une madeleine d’enfance
Quand j’étais petite, il y avait un rituel auquel je tenais plus que tout : chaque soir, juste avant de m’endormir, je demandais à mon père de me lire une histoire. Mais pas n’importe laquelle. C’était toujours la même série de contes, ceux que j’adorais au point d’en connaître certains passages par cœur : Le Petit Nicolas, de René Goscinny.
Je me souviens encore de ce moment si particulier, où les pages s’ouvraient et où, le temps d’un chapitre, tout mon petit monde s’effaçait pour laisser place à celui de Nicolas et de ses copains. Dès le matin, j’attendais avec impatience l’heure du coucher, impatiente de découvrir une nouvelle aventure ou de retrouver une scène que j’aimais tant. Le reste de la journée, je rêvais à haute voix : je m’imaginais en train de jouer avec eux dans la cour de l’école, d’inventer des bêtises, ou de me chamailler gentiment comme ils le faisaient si souvent. Je voulais être l’un des leurs, faire partie de cette joyeuse bande de garçons espiègles et attachants.
C’est grâce à mon père que j’ai découvert cet univers. Il me lisait ces histoires avec une voix pleine d’intonation, changeant de ton pour incarner les personnages. C’était bien plus qu’une lecture : c’était un vrai moment de complicité, une bulle suspendue dans le temps. Ces souvenirs me sont restés, intacts, comme gravés dans un coin de mon cœur.
Le Petit Nicolas, c’est l’histoire d’un petit garçon qui vit à Paris, avec ses parents, et qui va à l’école avec ses copains. Dit comme ça, cela semble simple, presque banal. Mais c’est justement dans cette simplicité que réside la magie. René Goscinny, avec son humour tendre et son regard malin sur le monde de l’enfance, a su créer un univers profondément humain, dans lequel petits et grands peuvent se retrouver.
Les personnages sont nombreux et hauts en couleur : Clotaire, le dernier de la classe mais terriblement attachant ; Rufus, toujours flanqué du sifflet de son père policier ; Geoffroy, dont le père est très riche et qui arrive toujours à l’école déguisé ; Alceste, qui mange tout le temps ; et bien sûr Agnan, le chouchou du maître, que personne ne peut taper… parce qu’il porte des lunettes. À travers eux, Goscinny raconte l’école, les copains, la famille, les bêtises, les punitions, les jeux et les petites injustices… en somme, la vie d’un enfant, avec une tendresse et une justesse rare.
Mais les enfants ne sont pas les seuls protagonistes. Les adultes y tiennent une place bien particulière. Ils sont souvent dépassés, autoritaires ou un peu ridicules. On pense à Monsieur Dubon, le surveillant de l’école, ou à Roger Moucheboume, le patron du père de Nicolas. Là encore, Goscinny manie l’humour avec finesse, en montrant le décalage entre le monde des enfants et celui des grandes personnes.
Plus tard, alors que j’étais un peu plus grande, les livres ont été adaptés au cinéma. Inutile de dire que je suis allée voir les films dès leur sortie, accompagnée de mes parents, comme un retour aux sources. Les adaptations sont fidèles à l’esprit des livres, et même si les dessins de Sempé resteront pour moi les vrais visages de Nicolas et de ses amis, les films ont su capter cette poésie légère et ce regard amusé sur l’enfance. Ce sont de véritables bijoux, à regarder en famille, avec un sourire aux lèvres.
Aujourd’hui encore, bien que je sois adulte, je replonge parfois avec plaisir dans ces histoires. Je relis quelques chapitres, ou je me laisse tenter par un des films. Chaque fois, la magie opère à nouveau. Ces récits ne vieillissent pas. Ils sont intemporels, parce qu’ils parlent à l’enfant en nous, à celui qui existe encore quelque part, malgré les années, malgré les responsabilités, malgré le bruit du monde.
Le Petit Nicolas, c’est bien plus qu’un personnage de fiction. Pour moi, c’est un souvenir vivant, une porte ouverte vers
l’imaginaire, un rappel doux et joyeux de ce que c’était, d’être enfant. Et c’est peut-être ça, le plus beau : se souvenir que même adulte,
on a encore le droit de rêver, de rire pour rien, et de se laisser attendrir par une histoire toute simple, lue avant de s’endormir.
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